Quand la forêt reprend la parole
Quand on pense à l'Amazonie, nous pensons souvent des images de jaguars apprivoisés, flûtes de pan et verts brumeux. Au Musée du Quai Branly, l’Amazonie échappe enfin au cadre exotique imposé par l’imaginaire occidental.
L’exposition « Amazônia – Créations et futurs autochtones » propose une rencontre inédite entre l’art contemporain et un patrimoine vivant. Elle nous invite à écouter la forêt autrement : non comme simple décor, mais comme un organisme peuplé de voix, de présences et de souvenirs.
Une Amazonie résolument contemporaine
Sous la direction conjointe de Leandro Varison et de l’artiste amazonien Denilson Baniwa, le musée offre une vision intime de l’Amazonie, nourrie par le savoir des peuples autochtones et en partenariat avec le Musée d’Archéologie et d’Ethnologie de São Paulo. Plus de 350 communautés et 300 langues se répondent dans cet espace : la diversité devient norme, et la modernité, état naturel.
À l’entrée, vous serez accueillis par un ballet suspendu de coiffes en plumes Iny-Karajá, symbole du lien de confiance entre le musée et les communautés. Chaque plume, chaque couleur, raconte un pacte de réciprocité et de respect.
Tradition et contemporanéité : un faux débat
Comme le rappellent les commissaires de cette exposition unique : « Tout est moderne, tout est contemporain. »
Dans ce parcours où urnes funéraires, masques chamaniques, céramiques millénaires et installations multimédias coexistent, la hiérarchie entre « objet » et « œuvre d’art » s’efface. Les poupées en argile ritxoko dialoguent avec les photographies oniriques de Paulo Desana, tandis que l’installation de Jaider Esbell, Carta ao velho mundo, tisse un pont entre cosmologie autochtone et art conceptuel européen.
La beauté comme diplomatie
À travers ces créations, émerge une diplomatie nouvelle : celle des relations.
Les peuples amazoniens ne séparent pas humains et non-humains ; ils négocient avec les plantes, conversent avec les rivières et avec les esprits. Cette philosophie est une célébration des ancêtres et de la forêt. Ici, la beauté dépasse l’esthétique : elle devient instrument de résistance et d’harmonie.
Raviver le dialogue
Parmi les temps forts, la confection en octobre 2024 d’un diadème en plumes par cinq représentants Boe-Bororo symbolise la continuité et la renaissance. Un geste qui reconnecte avec des objets collectés près d’un siècle plus tôt par Claude et Dina Lévi-Strauss. Loin de reléguer les communautés au rôle de simples spectateurs, le musée célèbre ici leur capacité à reprendre possession de leurs récits, de leurs formes et de leur savoir.
Une forêt de sens, un monde en mutation
« Dans les mondes amazoniens, la valeur centrale n’est pas la productivité, mais l’abondance », rappellent les commissaires.
Ici, les jardins fusionnent avec la forêt, les corps deviennent des toiles, et les mythes se peignent et se chantent. L’exposition révèle une Amazonie métaphysique et joyeuse, où chaque geste créatif participe à la vitalité du monde.
Une réconciliation poétique des mondes
« Amazônia – Créations et futurs autochtones » au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac invite à repenser notre place dans le grand théâtre du vivant. La modernité n’y appartient pas à l’Occident : sous la canopée du musée, la forêt nous observe, et cette fois, c’est à nous de tendre l’oreille.
Infos pratiques
Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, jusqu’au 18 janvier 2026. Ouvert tous les jours de 10 h 30 à 19h (nocturne le jeudi jusqu’à 22h)
Photo ©Filippo Cesarini - Unsplash